Sultan Al-Jaber a présenté, lundi, un projet d'accord pour la COP28.
Un texte qui mentionne la réduction de la production et de la consommation des énergies fossiles, mais sans appeler à la "sortie" du charbon, du pétrole et du gaz.
La proposition a immédiatement été rejetée par de nombreux pays et ONG.

À moins de 24 heures de la fin (théorique) de la COP28, un accord semble encore bien loin. Lundi 11 décembre, le président émirati de la 28ᵉ conférence de l'ONU sur le climat a proposé un projet d'accord en vue de la réduction de la place des énergies fossiles dans le monde. Un texte rapidement critiqué par plusieurs États et par les ONG de défense de l'environnement qui appellent à la "sortie" du pétrole, du gaz et du charbon, responsables du réchauffement mondial des températures. 

"Nous avons fait des progrès, mais nous avons encore beaucoup à faire", a admis le président de la COP, Sultan Al Jaber, reconnaissant implicitement que le texte serait encore amendé dans les prochaines heures. "Nous avons un texte et nous devons nous mettre d'accord sur le texte. Le temps des discussions touche à sa fin et le moment n'est pas aux hésitations. Il est temps de décider", a-t-il insisté.

"Insuffisant" pour l'UE, à "renforcer" pour les États-Unis

Premiers concernés par le changement climatique dû aux activités humaines, l'alliance des petits États insulaires a été l'une des premières à réagir. "Nos voix ne sont pas entendues" et le projet de texte proposé aujourd'hui à la COP28 est "totalement insuffisant" sur la question des énergies fossiles, a dénoncé le ministre samoan Cedric Schuster, qui préside l'alliance. "Il semble que plusieurs autres parties ont bénéficié d'un traitement préférentiel, compromettant la transparence et l'inclusivité du processus", a-t-il déclaré à des journalistes, visant indirectement les pays producteurs de pétrole qui s'opposent farouchement à toute mention d'une "sortie" des énergies fossiles.

L'Union européenne a quant à elle jugé le texte "insuffisant". Pour le commissaire européen au Climat, Wopke Hoesktra, "les scientifiques sont clairs comme de l'eau de roche sur ce qui est nécessaire et, en haut de la liste, il y a : sortir des énergies fossiles", un terme qui a disparu du texte proposé. "Une grande majorité de pays en veut plus sur la sortie des énergies fossiles (...) et pour se débarrasser du charbon", a-t-il ajouté, citant l'alliance de fait des Européens sur cette question avec de nombreux États insulaires ou d'Amérique latine. "C'est à nous de faire en sorte que ces voix soient entendues (...) dans les jours qui viennent", "quel que soit le temps qu'il faudra", a-t-il lancé.

Même position pour la France. "Ce texte, il est insuffisant, insuffisant. Il y a des éléments qui ne sont pas acceptables en l'état", a déclaré la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher à Dubaï. "La rédaction sur le charbon correspond à un retour en arrière par rapport à ce qui avait été fait à Glasgow durant la COP26." "Aujourd'hui, ce ne sont pas les décisions que le monde attend pour que nous puissions transformer cette COP28 en jalon pour tenir notre objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C. Je pense qu'on est capable d'aller chercher un accord historique", a également estimé la ministre.

Les États-Unis, eux, ont appelé à "renforcer fortement" le projet d'accord. "Nous apprécions les efforts pour (...) produire un texte qui cherche à équilibrer une variété d'intérêts", a réagi auprès de l'AFP un porte-parole du département d'État. "En même temps, la partie sur l'atténuation" du réchauffement climatique, "y compris sur la question des énergies fossiles, doit être substantiellement renforcée et la partie sur la finance contient des inexactitudes qui doivent être corrigées", a-t-il ajouté.

"Brouillon" et texte "dangereux" pour les ONG

Au-delà des États, sans surprise, les ONG et organisations de défense de l'environnement ont exprimé également leur déception et parfois leur colère face à la proposition d'accord. Un texte "choisissez votre aventure" pour Jean Su, du Center for Biological Diversity quand le chef de la stratégie politique mondiale au CAN, qui représente plus de 1000 associations et participe aux travaux de la COP en tant qu'observateur, a jugé que le texte représentait "une régression importante par rapport aux versions précédentes (...) De façon stupéfiante, il n'inclut plus de formule explicite sur la sortie des énergies fossiles". 

En France, le WWF se montre tout aussi sévère. "Plus que quelques heures de négociations à Dubaï et le texte sur la table des négociateurs ressemble ce soir à brouillon de début de COP, incapable de proposer autre chose qu'une liste de solutions parfois plus fumeuses les unes que les autres", a fustigé Arnaud Gilles, chargé de plaidoyer climat-énergie au WWF France quand Réseau Action Climat juge le projet d'accord "très décevant" mais surtout "très dangereux". "Non seulement, il ne permet absolument pas de mettre en œuvre une sortie juste, rapide et équitable de toutes les énergies fossiles, mais pire, il ouvre la porte à des mirages technologiques qui nous éloignent toujours plus du 1,5°C", fustige l'ONG. Enfin, Greenpeace estime que "si le texte est adopté tel quel, alors cette conférence mondiale sur le climat aura été un échec total".

Pas d'accord pour mardi ?

Face à ces critiques, l'objectif de Sultan Al-Jaber de clôturer à 11h la COP28 mardi semble compromis. Une source parmi les négociateurs européens, contactée par l'AFP, juge d'ailleurs que le texte est "loin de ce dont a besoin le climat aujourd'hui" et qu'une "chose est claire : nous n'y arriverons pas d'ici mardi 11h". D'autant que si la COP28 était clôturée à l'heure, il s'agirait d'une première depuis des années, les quatre précédentes ayant toujours terminé avec au moins un jour de retard. 

Sultan Al-Jaber, lui, réunit depuis 21h (18h heure française), à huis clos, les chefs des délégations des 194 pays et de l'UE signataires de l'accord de Paris. La nuit pourrait être (très) longue pour les participants à la 28ᵉ conférence de l'ONU sur le climat 


Annick BERGER

Tout
TF1 Info